Tokaido 18
La consonance du titre est peut-être similaire au post Sakana 24, qui date maintenant d'un peu plus de 2 ans ... mais là, 18, c'est en référence au 青春18切符 Seishun 18 Kippu (S18K), le ticket JR vendu uniquement pendant les vacances scolaires.
C'est en fait un ensemble de 5 coupons à 11500 yen, soit 2300 par coupon. Une fois entré en gare en faisant tamponner un coupon, on a le droit de prendre les trains autant qu'on veut jusqu'à minuit. C'est super intéressant, vu le prix exorbitant des transports au Japon. Par exemple, l'aller simple Kyoto-Tokyo, c'est 13520 yens avec le shinkansen, liaison directe en 2 heures 20. Si on a moins de sous, il est possible de prendre des trains locaux, plus lents, moins confortables et avec des changements. Le même aller Kyoto-Tokyo fait alors 7980 yen (59% du prix shinkansen), mais la durée du trajet monte à 9 heures (385% du temps shinkansen), incluant 6 changements (600% des changements shinkansen). Donc s'il y a une étude sur les passagers Kansai-Kanto qui révèle que 95% des voyageurs payent le tarif plein pot, ca m'étonnerait pas. Sacré JR.
Les inconvénients de ce S18K, c'est qu'il faut acheter les 5 coupons en même temps. Et leur utilisation est limitée aux trains locaux du réseau JR. Donc ça n'est que pour ceux qui ont du temps. Dans ce cas, les 7980 yen plus haut passent à 2300, c'est une belle ristourne. Les coupons sont utilisables n'importe quel jour des vacances, pas forcément consécutifs, et ne sont pas nominatifs. Ils permettent aussi de prendre certains bus, ferrys et trains de nuit. Et s'il reste des coupons à la fin des vacances, il est possible de les revendre à des marchands de coupons à prix réduits et de récupérer une bonne partie de son investissement.
Mais surtout, le S18K, plus que pour aller à Tokyo, c'est l'occasion d'aller explorer des contrées perdues du Japon où seul le train local passe 2 ou 3 fois par jour. Rien que de regarder par la fenêtre ou de descendre sur un quai semi-abandonné, ça vaut le coup. Je l'ai pas mal utilisé l'année dernière pour aller à Yamaguchi, Tottori, Miyajima, Amanohashidate, à Shikoku pour son pèlerinage, et comme cette année, pour le lever du soleil au mont Fuji.
Cet été aussi, on est parti au Fuji (3rd edition) de la même manière, et ce 23 juillet, je rentre d'Hakone à Kyoto en S18K, pour 2300 yen au lieu de 6830. Dans un long voyage en train local, on peut dire qu'on se fait bien chier, surtout si c'est un week-end et que les trains sont bondés, obligeant la plupart des passagers à rester debout plusieurs heures d'affilée, et à élaborer des techniques maléfiques, calculées au centimètre de quai et à la seconde près, pour chopper des places assises au prochain changement. Mais on peut aussi dire qu'on voit beaucoup plus de Japon qu'en s'endormant dans le shinkansen.
Cet été aussi, on est parti au Fuji (3rd edition) de la même manière, et ce 23 juillet, je rentre d'Hakone à Kyoto en S18K, pour 2300 yen au lieu de 6830. Dans un long voyage en train local, on peut dire qu'on se fait bien chier, surtout si c'est un week-end et que les trains sont bondés, obligeant la plupart des passagers à rester debout plusieurs heures d'affilée, et à élaborer des techniques maléfiques, calculées au centimètre de quai et à la seconde près, pour chopper des places assises au prochain changement. Mais on peut aussi dire qu'on voit beaucoup plus de Japon qu'en s'endormant dans le shinkansen.
東海道 Tokaido, littéralement "route de la mer de l'est", c'est le nom de la route qui relie Tokyo à Osaka en longeant l'océan pacifique, sans passer par les montagnes du centre.
Tokaido, c'est aussi le nom de la ligne ferroviaire JR qui passe au même endroit, et aussi de la ligne de shinkansen.
Tokaido line
Je pars donc de 小田原 Odawara, la station du Tokaido la plus proche d'Hakone, qui n'est qu'à une petite heure de Tokyo. Après le Fuji et Hakone, il faut bien revenir à Kyoto, au moins pour changer de T-shirt. Il est 13h55, et mon keitai meurt de batterie. Je peux pas faire comme tout le monde, m'enfermer dans mes e-mails jusqu'à l'arrivée, alors je zieute dans les wagons ...
13h56 : En gare d'Odawara
Contrairement aux jours "noirs" de vacances, aujourd'hui mercredi, le train local est plutôt déserté. Je suis sur un tronçon de wagons tout neufs. Il y a 2 autres personnes dans le wagon, dont un homme et sa bière. Le truc vraiment japonais, c'est de boire une bière à chaque voyage. Dans un train, bus, avion, quelque soit l'heure ou la situation, le Japonais mûr est presque toujours avec une bière. Même s'il est mercredi, 14h, et que ce gars se rend peut-être à un meeting, il a son 円熟.
13h56 : ビール乗り
Donc par définition, un train local, c'est un train qui s'arrête à toutes les petites stations en chemin où personne n'habite. Pour les éviter et aller plus vite à sa destination, il faut payer plus cher.
13h59 : Petite station de campagne
Le ciel et la mer sont beaux et bleus, sur ma gauche, tandis qu'à ma droite, j'ai des petites maisons sur un fond de verdure. Ca doit être sympa d'habiter dans cette campagne, tout en restant tout près de Tokyo.
14h01 : Ben oui, on savait qu'ils tenaient pas l'alcool
14h02 : Coquets villages au bord de l'océan, même si ils doivent ramasser toute la crasse de la baie de Tokyo
Japon, société de l'information envahissante, sur tous les supports. Au moins, dans le train c'est silencieux. A part les prochaines stations, et des consignes essentielles pour ne pas oublier des affaires sur le siège ou pour ne pas sortir sans parapluie, les haut-parleurs nous laissent tranquille. Par contre, les yeux ne sont pas épargnés ...
14h06 : Nous sommes toujours 3 dans le wagon. Rien que sur la photo, je compte 7 pubs par personne
14h15 : Toujours une gare déserte, mais l'arrêt est un peu plus long cette fois
Puis j'arrive à 熱海 Atami, pour un premier changement. Alors que le shinkansen transporte les voyageurs dans un même train d'un bout à l'autre, les trains locaux n'effectuent que des petites liaisons entre quelques gares principales qui servent de hub. Voyager en train local, c'est un peu comme être un Mario Bros qui saute d'une plateforme mouvante à une autre pour aller de gauche à droite. Sauf qu'on a le droit d'attendre sur le quai au lieu de faire demi-tour si le prochain train n'est pas synchro.
Mon prochain train attend déjà sur le quai d'en face, mais ne part que dans 10 minutes. Un autre atout du S18K, c'est qu'on peut sortir et rentrer dans les gares librement sans extra fee. Je sors donc rapidement acheter des grignotages au combini d'en face la gare, et pas les gâteaux "traditionnels" qu'ils vendent sur le quai pour ceux qui ne sortent pas. Mais j'ai intérêt à revenir à temps, car louper un train local, ça fait perdre 30 ou 60 minutes sur le quai, plus plein d'autres minutes sur les quais des hubs suivants, puis à 23h c'est facile de tomber avec la fin de service quelque part dans un trou paumé ...
14h27 : Premier changement à 熱海 Atami
J'ai encore des places de libres à mon retour, et c'est reparti pour un tronçon. Souvent, les gens attendent et font la queue pour le prochain train à l'endroit où la porte du wagon va s'arrêter, avec jusqu'à 30 minutes d'avance. Et pour arriver le premier à la file, ils n'hésitent pas à se bousculer, surtout les vieux qui savent qu'ils peuvent donner autant de coups de coudes qu'ils veulent, ils seront toujours les plus vieux, et donc à respecter.
14h50 : Du vert
Mon appareil photo meurt de batterie à son tour. Je tente de le réanimer ...
15:17 : Réallumage magique en gare de 冨士 Fuji, je repasse devant la montagne fraichement gravie
Ce tronçon dure jusqu'à 浜松 Hamamatsu, sans changement à 沼津 Numazu comme ça arrive des fois. Puis un autre tronçon fait 浜松 Hamamatsu - 豊橋 Toyohashi, un peu moins de 40 kilomètres. Je commence à voir défiler du monde, on est à 70 km de Nagoya, et les salarymen se font plus nombreux. Les vieux ont des techniques roublardes pour griller les gens debout dans la file d'attente et réserver les sièges du wagon.
Phénomène beaucoup décrit mais qui ne m'était pas arrivé souvent, bien que le wagon soit plein et rempli de gens debout, le siège à coté du mien reste vide.
17:08 : Sursaut de vie de l'appareil
De 豊橋 Toyohashi à 大垣 Ogaki, tronçon qui passe par Nagoya et Gifu, les voies font circuler un train d'un autre calibre, le 特別快速 Tokubetsu Kaisoku. Avec le 新快速 Shinkaisoku, ce sont les trains les plus rapides que j'aie le droit de prendre avec le S18K. On ne s'arrête pas souvent. La traversée de la grande banlieue de Nagoya, évitée lors du Gifu Vélo Trip, est interminable.
A Ogaki, j'ai le temps de prendre une dernière photo. Voilà 6 heures que je change de train, et j'en ai encore pour 2 heures. Les noms me deviennent plus familiers au fur et à mesure que je me rapproche de Kyoto. Tout le trajet est en détail sur Wikipedia.
De 大垣 Ogaki à 米原 Maibara, il faut prendre un petit train pourri pour 35 kilomètres. Puis à 米原 Maibara, un dernier 新快速 Shinkaisoku qui me ramène à Kyoto. C'est la première fois que je remarque que la route est longée de grands immeubles et de pachinko. Jusqu'à Otsu, c'est un gigantesque dortoir. C'est une grande zone plate au bord du lac Biwa, mais qu'une suite de petites villes sans vie. De nuit, avec les lampes des immeubles qui quadrillent les horizons, ça me fait penser aux arbres à œufs de Matrix.
Je suis à 22h chez moi, enfin !