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dimanche 31 août 2008

Gobi (2) - Les ruines du temple Süm Khökh Burd

Il fait déjà super chaud quand je me réveille à 9h. On déjeune nos gâteaux et partons plutôt tard, pour une nouvelle journée de van tale-cul.

Бага газрын чулуу = Baga Gazriin Chuluu, la vallée granitique que l'on quitte


Mais on doit rapidement ressortir du van.

Cette pente est trop raide pour le moteur : il faut décharger ses passagers pour la passer


Aluk nous attend de l'autre coté. Voilà l'effet "densité de population minimale"


Peu après cette côte, on s'arrête déjà pour un premier stop. Il y a 4 gers (= yourtes) cachées derrière des tas de gros cailloux.

On joue au foot pendant que le gamin répare la moto


Le gars au T-shirt des 24h du Mans nous fait entrer dans une des gers bien décorée et super propre. Elle contient quelques petits cadeaux de voyageurs étrangers, comme un drapeau du Canada ou encore les éternels petits koalas des Australiens.

En invités dans la ger


La Joconde est plusieurs


Tous assis en rond autour du poêle central, on se fait servir du yaourt. Frais, mais il passerait mieux avec du sucre …

Yaourt party


Après cette hospitalité du matin, c'est reparti. Notre chauffeur paraît un peu perdu, ou en tous cas moins à l'aise que d'habitude. Il s'arrête à une ger pour demander sa route. Il faut dire que sans carte (comme il n'y a rien dans ce pays, la seule carte envisageable serait une carte d'élévation ou une photo satellite), sans panneaux et sur un terrain tout plat, où les notions de temps et de distance sont négligées, avec pour seuls indices des traces de pneus évasives, c'est pas évident.

Coup de fil surprenant : comment fait-il pour avoir du réseau à cet endroit ?


Désert de Gobi : il n'y a tellement rien que le ciel est magnifique. Pas une trace de nuage

Un chevalier-aiguilleur et sa moderne monture près d'un puits


On arrive alors à quelque chose qui semble être une étape. Nous ne sommes qu'à 200 km d'Oulan-Bator, après 1 jour et demi de route. Mais de route qui vaut bien plus que son pesant de kilomètres. Les ruines qui se dressent devant nous, c'est СУМ ХӨХ БҮРД Süm Khökh Burd.

Süm Khökh Burd était un temple construit en pierre, sur une île au milieu d'un petit lac. Déjà que d'être dans le désert de Gobi ne facilite pas la vie, les pierres sont absentes de cette partie du désert, il fallait faire des centaines de kilomètres pour les trouver, lorsque le temple a été construit au 10ème siècle. Il a été rénové en palais il y a 300 ans, puis est retourné à ses ruines.

Le lac Sangiin Dalai Nuur n'est à présent qu'une sorte de marécage. On s'en approche, mais ça ne reste pas franchissable pour des gens qui ne veulent pas de boue sur les genoux.

Süm Khökh Burd derriève un ovoo, tas de pierres shamanique



Süm Khökh Burd est réputé pour le bird watching



Un peu plus loin, il y a un vrai temple, minuscule, mais en état. Le gardien prend une commission au passage et nous montre l'intérieur. Ca n'a rien à voir avec les temples bouddhiques que j'ai pu voir au Japon, en Corée ou en Chine. Ici, les choses paraissent plus vieilles, authentiques humbles. Le script mongol/tibétain doit jouer pour quelque chose …

Le temple voisin




Boîte à prières


Sculpture du montant de la porte


La maison du gardien


Le parking des touristes



Les toilettes


Le voisin



Pendant que le Dalaï Lama trône en photo à l'intérieur du temple, on se prépare une salade de légumes à l'ombre du van.
Puis la route continue dans le désert toujours vert.

C'est le désert, pas de risque que les chèvres se mélangent avec le troupeau du voisin


Sur le toit du van, tel un scruteur d'horizon sur un navire transatlantique


Au bout de pas longtemps, on s'arrête net au milieu de la route. C'est la panne tant redoutée … Je redescends du toit pour voir ce qu'il se passe, mais quelque chose d'encore plus terrible arrive : la grosse commission. Un rapide tour de cou me confirme que le plat s'étend à l'infini autour du van, aucune cachette. Il faut pourtant agir vite. Je choppe une bouteille d'eau et part en courant dans une direction perpendiculaire à la piste le plus vite possible.

En bout de course, je me suis suffisamment éloigné pour que le van paraisse tout petit, le critère de sécurité est atteint. C'est un énorme décor pour des toilettes, mais je suis pressé par un troupeau de chèvres arrivant derrière moi, dirigé par un Mongol sur son cheval.

C'est la Mongolie, des immenses espaces vides, mais on est jamais seul. Comme si c'était un village de voisins, étalé sur 1000 km au lieu d'un kilomètre.

De retour au van, la panne n'est en fait qu'une panne d'essence. Sûrement la faute au tableau de bord dont les indicateurs ne font pas bouger les aiguilles. On vide donc 2 bidons jaunes dans le réservoir, et c'est reparti.

On aperçoit alors des maisons en dur, et même plus d'une dizaine accolées ! Ce village/ville est sûrement une capitale de préfecture ou quelque chose comme ça.

Ville droit devant !


C'est tout petit, mais on y trouve le peu dont on a besoin. D'abord, guidés par Aluk, on entre dans une petite bâtisse cachée, c'est une boucherie. Pour $10, on achète 3,5 kg de mouton. On doit s'arranger avec la bouchère pour qu'elle nous enlève le blanc. Car sur les 3,5 kg, plus de la moitié était du gras. Il y en reste encore plein, mais à voir la réaction des Mongols, on dirait qu'en préférant le rouge, c'est comme si on a demandé de la viande – mais que les os.

On continue les achats avec des gâteaux et des bières, puis on va au "resto" manger du vrai manger. Il est 18h, mais ça a le goût d'un déjeuner.

Menu



On commande tous comme le chauffeur, une assiette de pâtes bien remplies, avec de la viande dedans. En plus de ça, des crêpes de gras. Et comme toujours, les repas sont accompagnés de thé. Ils appellent ça le tsai, et ils mettent une bonne dose de sel dedans. Et aussi de lait. En fait, c'est plus du lait salé que du thé, mais ici c'est du thé (recette).

De gauche à droite : pâtes à la viande, tsai, galettes de gras sans viande, galettes de gras avec viande (khuushuur)


Les distractions du désert de Gobi. A un peu plus de 2€ la bouteille de vodka, on ne peut guère se plaindre


On trouve un magasin d'habits. Une salle cachée derrière des murs délabrés, que l'on n'aurait pas trouvée si la porte n'était pas laissée ouverte. Il y a un modèle d'Adidas doré et les dernières Nike. La mode confirme son statut de voyageur le plus rapide et plus complet.

On reprend le van pour s'éloigner de la ville, et après s'être décalé de la piste d'une centaine de mètres, on s'arrête regarder le coucher du soleil.

Gobi sunset


Là on ne dérange personne, ça sera parfait pour camper

Dans cette partie du désert, il n'y a absolument pas de bois. Pour faire un feu, les seules choses à bruler sont les bouses de vache et autres déjections en tout genre. Armés de bières Cass, importées de Corée, un pays bien connu pour ses talents de brasseur, on balaye les alentours du van à la collecte de combustibles.

La bière Cass et son équivalent gustatif


Pendant ce temps là, Aluk prends soin de nos 3,5 kg de mouton et de gras. Il coupe la viande en tout petits morceaux, et les enfile dans des bouteilles d'eau en plastique, en les compressant bien. La totalité remplit environ 1,6 bouteille. Puis on les plonge dans notre réserve d'eau potable, à savoir le grand bidon bleu dans le coffre du van. Voilà pour la conservation de la viande.

Gastronomie carnivore


Nous, on a récolté bien 50 kg de … merde. On est fier de notre tas, et on s'installe autour. Mais les bouses prennent feu difficilement. Aluk nous chante une chanson mongole. Les bouses produisent plus de fumée que de chaleur, c'est un peu un échec.

Super trophée


Le ciel étoilé est absolument parfait, je n'ai jamais vu autant d'étoiles. Au milieu du désert, j'ai vraiment l'impression que la terre et plate et recouverte d'un dôme.

Si à ce moment un Grec ancien me montrait ce dessin, il pourrait me convaincre


La voie lactée est un arc de cercle qui joint les 2 bouts de la Terre en maintenant le tapis d'étoiles tendu dans le ciel. On repère Cassiopée, Orion. Il y a quelques étoiles filantes, dont 2 avec une très longue trainée. Si aucun de nous ne parle, le silence assourdissant est magnifique.



Le climat du Gobi est terrible : dans une même journée, l'écart des températures peut atteindre 35 °C. Toujours à plus de 1000 m d'altitude, il peut faire de 40°C le jour à -40°C la nuit. Avril et Septembre sont probablement les mois les plus humains : température T-shirt la journée, on frôle le 0°C la nuit. Alors que les autres rentrent dans leur tente, j'en profite pour passer la nuit à la belle étoile, à l'abri du tas de bouses qui n'aura presque pas brûlé, entouré des tabourets pour me protéger d'éventuels olgoï-khorkhoï, et recouvert de toutes les couvertures possibles.




samedi 30 août 2008

Gobi (1) - Départ d'Oulan-Bator et nuit à Baga Gazriin Chuluu

Ce matin, c'est le grand jour. On part pour 9 jours dans le désert de Gobi avec le van de Sabina, celui qui tombe en panne tout le temps. Mais comme c'est un van russe (un UAZ-452, comme la plupart des vans ici), il se répare à l'infini s'il est équipé d'un chauffeur/mécano, comme le notre, Aluk (il m'a écrit son nom "ацурука" en cyrillique mongol et "Ariuka" en romain, mais ça correspond pas, et de toute façon chacun l'appelle différemment). Il faut espérer qu'on aura rien de mauvais. On paye $50/jour pour van + chauffeur, essence et nourriture du chauffeur non comprise. Déjà il fait beau, pas comme hier, c'est de bon augure.

Mes coéquipiers sont Marco, Martin, Adrian, Jessie et Rotem, on est donc 7 dans un van à 2 + 3 places. Pour les 2 en trop, il y a d'un coté un siège démontable de voiture, et de l'autre la caisse à nourriture recouverte de couvertures. On fera des rotations pour pas faire 10 heures de route d'affilée sur le même siège pourri.

Chargement


Dernière vue d'Oulan-Bator


La Team au complet


Nous voilà parti ! Et après 20 minutes de route, toujours dans UB, on s'arrête pour une première réparation. La porte avant droite, celle dont la manivelle ouvre-fenêtre est remplacée par une cordelette et un nœud, ne ferme pas, et c'est chiant. Alors que les portes du coffre se ferment très bien avec du scotch et des coups de pied.

Pause soudure


Peu après, deuxième arrêt obligatoire : on dépense 300000₮ en essence (le plus gros du budget, d'où l'intérêt de caser le plus de gens dans un seul véhicule), pour les 2 réservoirs du van et les 4 bidons sur le toit, de l'huile et des autres trucs.

Depuis la station essence en bordure d'UB, près de l'aéroport. C'est déjà le début du néant


On pack les bidons sur le toit et c'est parti pour de bon


Civilisation unwanted from here


Notre route nous fait grimper le versant de la colline qui ceinture UB dans sa vallée.

UB de loin


Après quelques kilomètres, on est déjà dans le néant, et on va vers le sud. On bifurque déjà de la route pavée pour prendre une piste en terre, traversée de temps en temps par des souris.

Mode Paris-Dakar ON



La piste est décuplée, puisque les voitures/vans prennent la meilleure jusqu'à ce que les creux soient trop profonds. A ce moment, on roule à coté, ce qui commence une nouvelle piste.

Une voiture jaune devant nous


Le paysage est déjà magnifique, avec des troupeaux de moutons et chevaux qui paissent tranquillement de part et d'autre des pistes.

Pause pipi + resserrage des bidons sur le toit qui sursautaient + étrange nuage


Déjà en terre désertée, on découvre des mâchoires de cheval dans les champs

Les bidons d'essence bougent sans arrêt sur le toit, donc Aluk va les fixer de temps en temps. La philosophie mongole, c'est du MacGyver à 100 yen : réparer un truc que quand il est vraiment mort, et le réparer juste assez pour pouvoir repartir.

Technique mongole pour refroidir le moteur qui chauffe trop


Donc c'est pas étonnant que y'ait toujours un truc qui casse. D'un autre coté, c'est jamais grave ni stressant, car il a l'habitude de tout réparer.

Re-pause resserrage des bidons sur le toit


Quand la piste est trop creusée, les pneus avant touchent la carcasse du van. Ca fait un gros bruit sourd, mais personne ne s'en inquiète. De la même manière qu'on se sert des cassettes audio pour maintenir l'entrée d'air ouverte sur le moteur, on en prend une autre pour fixer le toit ouvrant. De temps en temps la bande part au vent et il faut rembobiner la cassette. Ce dont on se passerait pour la cassette de throat singing, je pensais pas qu'on pouvait apprécier ça en conduisant …


Moutons


Il y a quelques gers (= yourtes) isolées, loin de tout, avec un Mongol à cheval et des animaux partout. A plusieurs, il faut 1h30 pour démonter une ger, et 4h pour la monter. Du nomadisme optimisé …


Plusieurs gros aigles (ou affiliés) majestueux se tiennent fièrement le long de la route. Même si on est dans un infini désertique, le paysage change souvent. Et au milieu du plat, juste après une petite bosse, on tombe sur un rocher énorme au milieu de rien.

C'est juste une montagne, mais on est émerveillés


Au pied de ce rocher, il y a un puits. L'eau est environ 10 mètres plus bas. On tire de l'eau pour remplir nos bouteilles et notre grand bidon bleu. Elle a comme le goût d'Hépar. On remplit aussi l'abreuvoir des chèvres qui se battent (avec nous) pour avoir de l'eau.

Le désert de Gobi était possiblement aux temps préhistoriques une grande mer intérieure. Ce qui expliquerait pourquoi on trouve plein d'eau dessous alors qu'il ne pleut presque pas (en moyenne, moins de 100 mm par an, soit 7 fois moins qu'à Paris)

Pause robinet




On prolonge la pause en grimpant sur le gros caillou à coté et en jouant au foot avec un crâne de cheval.

Maximum local


Dans la peau d'un crâne


Un truc super cool qu'on peut faire avec le van, c'est monter sur le toit. Le cul dans le pneu de rechange et les pieds coincés sous les rails, c'est pas plus inconfortable que le siège de couvertures sur la malle en bois, dos à la route, à l'intérieur du van. Et surtout, c'est un magnifique panorama 360° de vide, de beau … c'est spécial, il n'y a rien à voir, mais c'est absolument captivant.

Une fois le bruit du van filtré par le vent qui bouchonne les oreilles, c'est silencieux et c'est un autre univers.

Mongolie 360

Arrivée près d'un lac




Pour de vrai, c'est au moins beau comme ça



Nos premiers chameaux


Leçon évidente #1 : ne pas trop s'éloigner du van


Des panneaux au milieu de rien


Traversée de troupeau de chèvres, avec Marco sur le toit

Pour le premier soir, on arrive à Baga Gazriin Chuluu, qui est une formation montagneuse de granit, culminant à 1751 mètres (Oulan-Bator est déjà à 1150m). On se trouve une petite "crique" à l'intérieur des rochers rouges, un endroit merveilleux pour camper. On installe les tentes avant de grimper au sommet voir le coucher du soleil.

Notre campsite


Baga Gazriin Chuluu


Marco dans un nid d'oiseau qui doit être pas mal gros (on voit le van tout en bas)


Au sommet, pas mal fatigués par notre course pentue et périlleuse, on constate que le soleil s'est caché derrière une autre montagne pour se coucher … dommage.


Nos tentes dans Baga Gazriin Chuluu


L'écho depuis la cime est violemment puissant, on a plusieurs retours. On redescend avant la nuit pour cuisiner (enfin, pour faire du riz). C'est à ce moment, dans la pénombre, qu'une moto arrive avec 2 patrol guards qui viennent nous embêter. Un petit nerveux accompagné d'un colosse silencieux en habits mongols.

Ils s'engueulent une bonne heure ave Aluk en mongol. On ne comprend rien. Apparemment, les branches qu'on a utilisé étaient protégées et on n'a pas le droit de faire un feu avec, il aurait fallu prendre uniquement les branches mortes. Aluk dit qu'on a pas fait de mal, mais les gardes veulent nous mettre une amende, qu'on pourrait mériter, mais un peu farfelue quand même. Aluk les envoie chier plusieurs fois, mais ils restent à nous tourner autour. Ca se finit par la négociation d'une amende, 4000₮ (4$) par tête d'étranger, et ils nous donnent un joli reçu. Bref, ca leur fera 5 bouteilles de vodka …

Les gardes viennent discuter les brindilles qui brûlent pour nous extorquer une amende


Après cet évènement perturbateur, le dîner est pile prêt. Aluk ne mange pas ses tomates, car il est exclusivement carnivore. La Mongolie, c'est le pays anti-végétarien. Mais il mange quand même la moitié de son riz.

Pour un mois d'août, il ne gèle pas encore. Je m'endors dans tous mes habits, dans mon sac de couchage lui-même dans la tente, et ça passe bien.