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vendredi 22 août 2008

Le ferry de Kobe à Tianjin

Je dois quitter Kyoto vers 7 heures du matin, mais après ces jours pauvres en sommeil, mon aventure mongole démarre en trombe grâce à un réveil retardé, malgré quelques 17 sonneries de keitai.

Je finis de packer dans le rush de l'angoisse de louper le ferry. Avec le peu d'information sur internet (et surtout imprécise et contradictoire), j'ai finalement acheté le Lonely Planet Mongolia (édition 2005), avec 60% de réduction. Par contre, je n'ai pas trouvé un si bon plan pour des chaussures. Mes Salomon XA Pro 3D, qui ont rendu l'âme lors de leur 3ème descente du Fuji, devront rempiler pour un mois intense supplémentaire avec leurs trous. Il n'y a qu'un revendeur Salomon dans tout le Kansai, à Osaka (contre une vingtaine dans le Haut-Doubs) et il n'a que les XT Wings, pas le modèle que je veux.

Equipé donc de mes chaussures pourries mais (presque) toujours aussi rapides, je fais la course aux trains, en tentant une combinaison de dernière minute (Sanjo – Yamashina – Umeda – Sannomiya – Ferry port), empruntant 5 trains différents, pour me rendre au port de 神戸 Kobe. Mission réussie en un temps record, j'empoche un passage pour 2000 yen de cup ramen, l'ami préféré du voyage en ferry.

Gare de 山科 Yamashina, heureusement que je sais que le train va arriver à la seconde annoncée


Dans le dédale autour d'une grande station : 三ノ宮 Sannomiya, Kobe


Dernière ligne droite vers l'île artificielle du ferry terminal avec le Port Liner, un monorail surélevé


Ouf ! Mon ferry est toujours attaché


Enfin dedans, sain et sauf. Le trajet 神戸 Kobe – 天津 Tianjin, du Japon à la Chine en 44 heures (Tokyo - Shanghai met 1 heure en avion)


Alors que le ferry est sur le point de partir, je me rends compte que j'ai oublié mes provisions de cup ramen au guichet lors du retrait de mon billet. On peut difficilement appeler ça de la nourriture, mais c'est ce qui est censé m'éviter de manger au restaurant du ferry super cher.

La ferry attendant me dit que je ne peux plus quitter le bateau, mais qu'il y a un grand sac plastique juste là : ce sont mes cup ramen ! Par miracle réapparus dans le hall du ferry. Enfin une bonne nouvelle après tous mes déboires pendant les 2 jours précédents.

C'est parti le ferry : tout est bien qui finit par bien commencer


Comme il semble être l'habitude en Asie lorsqu'ils sont minoritaires, les occidentaux sont tous d'office potes entre eux. Peu après le départ on se connaît déjà. Il y a 4 Américains, 2 Irlandais et 1 Anglais, et pas mal de Japonais, alors que je m'attendais à un ferry rempli de Chinois.

Une fois de plus, passage du pont d'Akashi, qui relie Honshu à 淡路島 Awajishima puis Shikoku, comme avec le ferry pour la Corée (aller, retour).

明石海峡大橋, Akashi-Kaikyō Ōhashi



Le ciel est beau et il ne fait pas trop chaud, depuis quelques jours l'affreuse chaleur humide n'est plus présente. On slalome entre les îles de la 瀬戸内海 Setonaikai, la mer intérieure.



Le 瀬戸大橋, Seto Ō-hashi, Great Seto Bridge, entre 岡山 Okayama et 四国 Shikoku (Kagawa-ken), est une série de ponts en plusieurs morceaux avec des petits îlots entre les tabliers. Trois des ponts sont classés parmi le Top 20 mondial des plus longs ponts à suspension.




Ici, on voit le train qui passe sous les voitures, que j'avais pris pour aller à Shikoku



Vidéo du passage sous le 瀬戸大橋 grand pont de Seto

Dans le hall du bateau, 北京 Beijing vs. 東京 Tokyo


Instructions de sauvetage à la japonaise … heureusement facultatives


L'excitation du départ passée, je m'endors en lisant mon LP et je vais finalement faire une sieste. A mon réveil, les Chinois semblent tous au lit alors que les Américains et Japonais font un peu la fête dehors. L'élément le plus stratégique du ferry, la キリン自販機, est prise d'assaut.

Passage du détroit de Shimonoseki


Alors qu'on fait passer la soirée avec des jeux débiles, la tempête se lève, le vent se fait de plus en plus pressant. Les gens commencent à rentrer, alors que le spectacle ne fait que commencer. On rejoint le pont supérieur avec Jim et Greg regarder les éclairs illuminer le fond du ciel.

Sur le toit du ferry, avec sa cheminée aguicheuse au fond


Badaboum


Vers minuit, juste après Shimonoseki, alors qu'on voit encore les lumières sur les côtes des 2 îles japonaises, c'est la nuit noire. On n'entend pas souvent le tonnerre, mais toutes les 2 ou 3 secondes, la proue du ferry, le relief des côtes et les petites îles apparaissent le temps d'un flash, comme de jour. De temps en temps, certains éclairs tissent des fils blancs entre mer et ciel.

Dans le feu de l'action

La tempête semble se rapprocher, et on voit les éclairs tomber du ciel dans la mer de chaque coté de du bateau. Mais par chance, la pluie nous épargne, seul un vent chaud vient nous balayer.

En pleine nuit


La lumière provient exclusivement des éclairs


韓国語食べません


Décrochage de lune

Après tant d'émotions, on rentre se coucher vers 4h30. J'ai les couchettes 1000 ou 2000 yen plus cher que le plus bas tarif, ce qui fait 42000 yen l'aller-retour. Pour pas grand-chose de plus, on passe d'un camp de réfugiés Chinois qui dorment par terre et se marchent dessus à une vraie couchette, ça vaut le coup.

Tangage et roulis ont renversé les armoires à gilets de sauvetage


Mais mon lit est toujours à sa place. Il fait exactement ma taille, un vrai petit cercueil






Samedi 23 août

Je dors rudement bien et vais retrouver la communauté du ferry à 17h. Il semblerait que tous aient passé une très mauvaise nuit, balancés dans tous les sens. Evidemment, pendant qu'on s'amusait sur le deck supérieur cette nuit, ceux qui étaient allé se coucher avaient fait le mauvais choix.

Un petit tour au bain/sauna, un repas et un coucher du soleil remplissent rapidement ma courte journée. Mark le British me raconte sa visite de la Corée du Nord tandis que des grosses médusent se cognent contre les flancs du ferry.

Cup ramen fever




Coucher de soleil en pleine mer jaune



La soirée est plus courte, un peu de Uno et un peu de Tsingtao, et au lit.



Dimanche 24 août


Réveillé par les pleurs des bébés des lits voisins, je finis par me lever et petit-déjeuner mes derniers yakisoba en carton. Mon estomac ne semble pas apprécier ce régime unique. On sort tous sur le pont faire des photos souvenirs (sauf les vieux et évidemment les Chinois) car on sent qu'on s'approche de la fin.

Des navires en nombre grandissant autour de notre ferry


On reste sur le pont pour l'entrée dans 天津 Tianjin. Dont le port s'appelle en fait 塘沽Tanggu. L'eau devient très marron et le ciel se couvre d'une épaisse couche de brume. On croise des bateaux dans tous les sens, nous laissant croire qu'on est déjà dans le port, mais on n'aperçoit aucune terre. On ressent juste la chaleur humide.

Arrivée mystère dans une pollution flagrante



Enfin, le port se montre


Une fois accosté, on fait sortir les 8 "vrais étrangers" en premier, devant tout le monde. On grille donc tous les Asiatiques qui ont l'habitude de faire la queue (ou de bousculer) bien en avance pour être premier. Pratique, mais notre avance ne va pas durer longtemps. Sur les 8, on est 3 à être retenu à l'immigration chinoise pour un interrogatoire absolument inutile. On attend une heure sans connaître la raison de notre arrestation, avec pourtant des visas valides. Pendant ce temps-là, les Chinois et Japonais passent sans problème. Les Irlandais passent aussi, mais en se faisant confisquer le Lonely Planet Chine (ce qui ne fait qu'accentuer notre mépris des directives du gouvernement chinois). On se retrouve enfin tous après ces contrôles effrayants et ridicules.

Nous voilà alors en territoire chinois depuis 5 minutes qu'on se fait agresser par les chauffeurs de taxi qui veulent nous emmener en ville. "Il n'y a pas de bus ici" qu'ils crient sans honte, alors que le terminal est juste derrière eux …
Toujours en groupe (les vrais étrangers et les jeunes Japonais) on galère tous pour comprendre comment prendre les bus de Tanggu car évidemment personne n'a de monnaie pour le ticket de 1,5 RMB.

La surprise vient qu'une fois au centre-ville de Tanggu, il faut prendre un autre bus pour Tianjin. C'est tellement dense (Tianjin est une gentille bourgade de quand même 10 millions d'habitants) qu'il nous faudra plus de 2 heures pour aller du ferry à la gare de Tianjin, qui pourtant était implicitement annoncée comme destination.

Enfin, nous voilà sur la place de la gare de Tianjin


C'est impressionnant. La ville est très moderne et lumineuse. Le monde grouille. D'ailleurs il faudrait qu'on se grouille aussi, car on est le 24 août, dernier jour des Jeux Olympiques, et ça doit être la fête à Pékin/Beijing, le village de 20 millions d'habitants à un peu moins de 150 km de là, où je suis attendu.

Tianjin agitée


Avec tous ces bus et embouteillages depuis le port, il est déjà 19h, et pour nous enfoncer, la gare des trains est prise d'assaut et il n'y a plus de tickets vers Beijing. Avec l'air un peu niais, coincé dans une ville de la dimension de Paris mais dont on n'avait jamais entendu le nom auparavant, il faut agir vite. Avec Mark, on grille les files en faisant le bluff d'exporter notre gaijin power en Chine, et on trouve des billets pour le train de 21:50. Les Américains se trouvent des places pour le dernier, 22:10. Et les Japonais, toujours en train de faire leur improductive réunion, finissent par se faire couillonner et devront trouver un hôtel à Tianjin (cf. "De l'inter-minabilité des réunions japonaises à la chute économique de l'empire nippon").

La station flambant neuve est assiégée par des gens assis partout en attente de partir. Sauf certains, les nombreux mendiants dans une société manifestement duale. Mais ces derniers ne sont pas les moins efficaces, à constater par ma bouteille en plastique, qui ne tient pas 15 secondes dans la poubelle avant de se faire récupérer. D'ailleurs, ma PET bottle de thé coûte 3 RMB, deux tickets de bus, soit l'inverse du Japon.

People watching sur le parvis de la gare, en commençant par l'affichage des trains qui agonise

Enfin arrive l'heure du départ. Le hall de la gare toute neuve ressemble plus à un aéroport. La deuxième moitié de la gare est encore en construction, on s'en aperçoit en zieutant derrière les barrières. Mais pour la partie finie, c'est bluffant.

天津 Tianjin train station


Sur l'écran, les feux d'artifices de la cérémonie de clôture des JO, en voisins. Dommage …


Les trains CRH3, China Railway High-Speed, eux aussi tout neufs. Ils ne circulent que depuis 3 semaines sur la ligne Beijing-Tianjin, de technologie allemande de chez Siemens. Les autres CHR font plaisir aux autres constructeurs, à savoir Bombardier, Kawasaki et Alstom.

Après le passage du portique magnétique, notre train est à l'heure



Une fois à bord, c'est encore une surprise. On est en 2ème classe, mais ça vaut bien mieux qu'une première classe SNCF, c'est grand, beau et confortable. Il n'a rien à envier au Shinkansen japonais, qui était jusque là ma référence de train classe.

Deuxième grande surprise : on vient même nous offrir des bouteilles d'eau (Là la surprise, c'est le sourire de la stewardess Chinoise)


Troisième grande surprise : on dépasse les 330 km/h, presqu'aussi vite que le maglev du Shanghai airport (400 km/h), mais sur rails pas maglev, et pourtant dans un grand silence ! On parcourt les 137 km en une petite confortable demi-heure. Soit 4 fois moins que le trajet ferry - Tianjin que pour parcourir 4 fois plus de distance. Le beau shinkansen prend un coup de vieux, je suis bien surpris de ce que les Chinois ont été capables de faire pour les JO. Et tout ça pour 58 RMB (6 euros), un prix ridicule pour une telle prestation.

337 km/h


Gare de Beijing South


La gare de Beijing South est aussi toute neuve. Pour l'instant, elle ne sert que pour les trains vers Tianjin. L'architecture est impressionnante. Rien à voir avec la Chine des installations sales et bancales qui sentent la bouffe.

En zieutant au dessus des barrières, Beijing South station est aussi à moitié terminée


Bien qu'énorme et magnifique, cette gare n'est ouverte que depuis le 1er août pour les JO, et elle n'est pas encore reliée au métro. A cette heure-ci, pas d'autre choix que de prendre un taxi. Tout le monde fait donc la grande queue pour un taxi. On se fait rejoindre par les Américains qui ont prix le train de 22:10. Pendant l'attente, on cause avec une vielle Canadienne, une examinatrice IELTS qui se vante que n'avoir du apprendre que 3 mots de chinois depuis 4 ans qu'elle habite Pékin. Et encore, elle ne se rappelait plus des 2 derniers.

Malgré la circulation limitée (de moitié) et la réduction de l'activité des usines des environs de Pékin, la ville sent bien la pollution. Ca doit être un champignon atomique en dehors des JO … On paye autant que le train pour les quelques kilomètres de taxi dans la ville et je suis enfin chez Ryan à minuit, après avoir complètement loupé les feux d'artifices olympiques qui ont enflammé la ville.

Quelle odyssée pour un début de voyage …






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