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dimanche 8 mars 2009

Tanegashima

種子島 Tanegashima, 60 km de long pour 10 km de large, est l'île par laquelle les armes à feu ont été introduites pour la première fois au Japon, par les portugais. C'est aussi l'île qui abrite la base de lancement des fusées japonaises de la JAXA, l'agence d'exploration aérospatiale japonaise, qui offre des visites gratuites, et qui m'a détourné sur cette île alors que je filais tout droit vers Yakushima.

Le mot "tane" signifie "graine", et l'île est découpée en 3 sections, 西之表 Nishinoomote, 中種子 Nakatane (la "graine du centre") et 南種子 Minamitane (la "graine du sud"). L'île compte 33.000 habitants.

Welcome facts


J'arrive à Nishinoomote, la "grande ville" (20.000 hab.) du nord de l'île, très calme et déserte, avec cette ambiance particulière des villages des îles.

Port de 西之表 Nishinoomote



Il est aux alentours de midi, et la troisième et dernière visite du centre spatial, tout au sud de l'île, est à 15h30. Après consultation des horaires, la dame de l'office du tourisme m'informe que les rares bus ne pourront pas m'y emmener à temps. Peu importe, j'y vais quand même …


Dans la grande rue de 西之表 Nishinoomote

Je me fais dépasser par un bus qui va vers Minamitane, le site du Space Center, alors qu'il ne devait pas y en avoir …Je tends alors un pouce rageur et la première voiture s'arrête. Une chance, mais jeune demoiselle va faire ses courses au conbini 200 mètres plus loin …

Le second ride ne se fait pas tarder. Une mère récemment installé sur l'île suite à la mutation de son mari fait en fait le tour en voiture avec ses 2 fils, Hiroto et Akihiro, histoire de la découvrir. Tant mieux, ça me fait aussi une petite visite. Et avant d'aller au Space Center, on a le temps de faire un stop à 千座の岩屋 Chikura-no-Iwaya, la grotte aux 1000 sièges.

Akihiro prend la pose dans la grotte



Elle porte ce nom car il y a de la place à l'abri pour autant de personnes. Creusée dans un énorme rocher en bordure de l'océan, il y a plusieurs cavités. Elle a une entrée coté terre, et on peut en sortir par la mer à marée basse.

千座の岩屋 Chikura-no-Iwaya

Des petits passages de spéléo pour explorer les différentes cavités


A coté, les sables gagnent les torii. Plus facile alors pour déposer son caillou porte-bonheur …


Plages de surfeurs, sport en vogue à Tanegashima


Enfin, on arrive au clou de la journée : le 種子島宇宙センター Tanegashima Space Center, d'où sont lancées les fusées japonaises, humblement "known as the most beautiful rocket-launch complex in the world".

Entrée du complexe



Le musée est gratuit et les explications sont bien faites. Et il y a plutôt pas mal d'anglais pour un truc japonais. En attendant la visite guidée (gratuite) du site (accès libre interdit) à 15h30, je me balade donc entre les restes d'anciennes fusées, de réacteurs, de modèles et de schémas, dans cette ambiance nocturne et intéressante. A part qu'Akihiro veut encore jouer et gueule "JB" en courant entre les salles.

Sites de lancement dans le monde


Rapide tour de la première salle

Maquette du site de lancement


Coupe d'un moteur


Comparatif international


Montage et lancement de la fusée en version C'est pas sorcier, de la présentation dans laquelle les Japonais excellent

Satellite


Grande variété dans le régime des astronautes


Un double du module Kibo


Coupe de turbopump


Sous le lanceur


Puis vient le départ de la visite guidée du complexe. Nous sommes un petit groupe de 6 dans une camionnette, avec chauffeur + guide. C'est ma première fois en tant que "touriste japonais", cette nouvelle espèce de mouton qui se déplace en groupe sans réfléchir et qui suit la madame au drapeau en obéissant aux ordres et aux contraintes de temps, en grande majorité retraités, trouvable un peu partout au Japon, dans les capitales européennes et autres sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Dans la peau d'un touriste Japonais

Carte du complexe


Pause photo au stand photo avec vue sur le site de lancement. L'éblouissante verdure de l'île est censée rencontrer le bleu lagon de l'océan pour donner "the most beautiful rocket-launch complex in the world", encore faut-il que le ciel y mette du sien


Derrière, le grand hangar vertical d'assemblement fait 27 étages, 81 mètres de haut. Et il possède le record du monde de la plus grande porte coulissante pour en sortir la fusée. La superficie totale du complexe est équivalente à 12 Tokyo Disneyland.

La 2nde étape de la visite, c'est un hangar où est entreposé un exemplaire de la fusée japonaise H2. C'est l'ancien modèle de la H2A (15 lancements). A partir de septembre 2009, elle sera remplacée par la H2B (4 lanceurs au lieu de 2). D'ailleurs, il y a aujourd'hui des préparatifs pour la H2B sur la zone de lancement, donc on ne pourra pas aller tout près.

Fusée H2 couchée sur 2 rangées



Les fusées, construites par MHI (Mitsubishi) dans la préfecture d'Aichi (là même où Toyota construit 10 millions de voitures par an), à coté de Nagoya, sont transportées par ferry en 3 jours jusqu'à Tanegashima, au port de 島間 (sud-ouest de l'île), qui ressemble plus à une digue qu'à un port. De là, les morceaux sont acheminés par camion jusqu'au site sur une petite route étroite et tortueuse, en 6 heures (au lieu de 30 minutes par voiture (qui ne transporte pas de fusée)).

En vidéo

Ce site a été choisi car lors de la décision, en 1969, Okinawa (les îles japonaises les plus septentrionales, bien plus que Tanegashima) était encore sous contrôle américain (et ce, jusqu'en 1972). Tanegashima était donc la possession japonaise la plus proche de l'équateur à l'époque.



La fusée à cette couleur rougeâtre à cause du revêtement, une matière anti-chaleur


Le 3ème et dernier arrêt, c'est à la salle de contrôle. Celle qu'on voit à la télé. D'ailleurs, la chambre à laquelle on peut accéder est celle des caméras officielles.

Tout se passe bien


La salle est en réalité bien plus petite qu'elle ne parait sur des images TV. On dirait plutôt un petit musée des premiers ordinateurs qui aient existé.

Tableaux des lancements, le dernier (15ème) datant du 23 janvier 2009


Retour au musée, avec derrière un site de lancement de mini-rockets


Un bout du site


Passage à la boutique où on peut acheter du manger cosmique



Pour la soirée, je prévois d'aller au 河内温泉センター Kawachi onsen, d'après les locaux le meilleur onsen de l'île. Je suis pris en stop rapidement au Space Center par Yoko, qui a déménagé à Minamitane exprès pour le surf et pour rejoindre la communauté d'une centaine de surfeurs dans ce village. L'onsen est à 300 yen pour une prestation qui en vaudrait 600 dans le Kansai.

L'eau est très huileuse, comme à Gero, et les bains sont plein d'enfants, pas monnaie courante, et ils me causent, encore moins. C'est tout l'effet du gaijin dans des contrées reculées.

En sortant, j'attends tranquillement au salon les 9 heures, fermeture de l'onsen, pour aller trouver un coin de nojuku, pas très motivé par les conditions météo fécales. Mais avant ça, le guichetier Kawano, avec qui j'avais causé avant d'entrer (il a étudié à Kobe, et me sachant à Kyoto, voulait voir si j'avais perçu la différence entre les méchants Kyotoïtes et le reste du Japon), propose de me faire héberger par son frère. Peu après les 2 femmes viennent me chercher, et on rentre à la maison, avec la grand-mère et les 2 enfants, avec un bon repas et bien au chaud.

J'ai droit aux 安納芋 anno-imo, soi-disant la meilleure patate douce du Japon (évidemment de production locale). En effet, c'est délicieux. Ici, au contraire du Japon central, les produits généralement chers sont pas chers (herbes, légumes, fruits) voire gratuits (échange entre les habitants), mais en contrepartie, il n'y a pas les produits de la télé (cakes surréels et tous les trucs importés).

Les 2 frères sont originaires de Tanegashima, mais ont étudié à la grande ville, à Kobe et Hiroshima. Pour eux aussi, Kyoto est humainement froid, et les limites entre l'omote et le ura des Kyotoïtes indéchiffrables, et se sentent mieux dans le sud. C'est vrai, on a une conversation normale, franche. Et surtout intéressante, un critère pas courant parmi les faux dialogues d'idéaux, de futilité et de politesse à laquelle je suis désormais habitué.

A 種子島 Tanegashima, il y avait 50.000 habitants de leur temps, soit 15.000 de plus que maintenant. Les business locaux se meurent petit à petit avec les riches industriels de Kagoshima qui ouvrent des grands magasins sur l'île. Du coup, le petit commerçant, pour continuer à faire vivre sa famille, se suicide, et dans ce cas le reste de la famille se partage la pension du gouvernement.

Le frère Kawano (portant avec fierté un vrai blouson de l'armée de l'air)(qu'on lui a donné) et sa femme


Après cette journée bien remplie et fatigante, on s'endort tous les 3, côte à côte, dans nos futons respectifs dans le salon.


Lundi 9 mars 2009


Le lendemain matin, ils m'accompagnent au petit port de 島間 Shimama, juste à coté, pour prendre mon ferry jusqu'à 屋久島 Yakushima, l'autre île. Mais le ferry ne naviguant pas tout le mois pour réparation, les Kawano me remontent à 西之表 Nishinoomote, au nord de l'île, 1h de route, pour prendre le Toppy qui lui circule. Et vu le temps dehors, j'ai bien de la chance d'être dans une voiture.

Dans les îles du sud, une averse c'est comme la saison des pluies en un jour


Je me sépare là des Kawano, après 24 heures fantastiques sur 種子島 Tanegashima. Quand même le Japon, plus on va au sud, et mieux les gens ils sont. Et encore, il me reste Yakushima, un bon bout de voyage et d'aventures … (la suite ici)


Cette aventure est un épisode du Yakushima hitchhiking trip

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