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samedi 6 septembre 2008

Gobi (8) - Un zeste d'urbanisme

Au réveil, pliage et départ rapide pour Arvayheer, la capitale de l'aïmag d'Övörhangay. En chemin, on se croise qu'une chèvre morte encore chaude, et bien sûr des beaux paysages.




La route devient alors bitumée. Un confort que l'on n'avait pas expérimenté depuis … 30 minutes après notre départ, il y a 8 jours. Nous avons bel et bien quitté le désert de Gobi. Il y a des publicités, des bâtiments de 2 étages, voire 3, des panneaux de signalisation … c'est tout un autre monde ! C'est la grande ville, la capitale régionale. Avec ses 25.000 habitants.

Arrivée sur Arvayheer


Aluk nous laisse une heure de quartier libre. On "visite" le centre-ville sans perdre de vue notre but principal : trouver de la nourriture. On essaye d'arracher des sourires aux gens, qui ont tous l'air d'être en colère, même la serveuse du restaurant. Seuls les quelques enfants qui font "coucou" de temps en temps donnent un peu de vie à la ville fade et poussiéreuse.

Lâchés dans la mini jungle urbaine


Du gras et du riz à la cuillère à boules de glace. Original …


Des immeubles plutôt en bon état



Un bâtiment parlementaire


L'entrée d'un magasin de téléphonie : c'est souvent difficile de repérer les commerces quand ils n'ont pas de vitrine évidente, des fois pas de vitrine du tout, mais juste un petit panneau une fois à l'intérieur d'un immeuble dont on oserait pousser la porte d'entrée.

Les locaux de G-Mobile


On revient au marché, encore un peu affamés, tenter un truc à priori comestible, décodé du russe en piroshki. Bonne pioche, ce n'est pas gras. Etrange, aussi.
Les jeunes mongols ont le visage plat avec les joues gonflées, alors que les vieux ont les joues encore plus gonflées, mais les fossettes creusées. On rencontre encore plusieurs fois le Dalaï Lama en poster dans les guanz.

Les commerçants du marché sont installés dans des conteneurs chinois ou coréens, qu'ils vendent du riz ou de la ferraille



On voit des marchands de gers (yourtes). Il faut compter $1000 à $1500 pour un set complet


On repart et quitte rapidement la route pavée pour un chemin merdique. Notre périple n'est pas terminé, car notre destination du jour est la cascade d'Орхон Orhon.


En chemin, je vois mes premiers yaks. On se fait inviter par un nomade en moto à boire de l'airag dans sa yourte. "Non merci" répond Marco dont l'estomac se souvient trop bien du cul-sec de la veille. Le paysage est une succession de vallées à monter et redescendre. Parfois en traversant quelques ruisseaux grâce à notre van amphibie. C'est toujours aussi vide et grandiose, mais un peu moins abandonné lorsqu'on remarque les gers isolées dans les recoins des versants.

Yaks


Invitation pour un bol d'airag, du haut de sa monture équipée avec un pare-yak


Break


Même si elle semble assez près sur la carte, cette cascade d'Orhon ne semble jamais se rapprocher. La route est vraiment merdique, étroite, coincée entre une pente et une rivière. On a pas d'autre choix que de rouler dans les creux et sur les bosses, à 15 km/h, en étant balancés contre les murs et le plafond du van. On doit couper plusieurs rivières, larges d'environ 5 à 10 mètres, profondes d'environ la largeur des roues.

Voisins


Mais la rivière suivante est un peu différente. On s'avance dedans, toujours aussi en confiance dans notre van pourri qui surmonte tous les dangers de la Terre. On s'enfonce pas mal dans cette rivière, et tout à coup, le moteur claque et une épaisse fumée blanche s'en dégage. Nous voilà arrêtés au beau milieu de la rivière. L'eau commence à monter dans le van, elle a déjà conquis le marchepied. Aluk tente de redémarrer une dizaine de fois, mais le moteur reste calme. En instant, on s'imagine déjà dehors, dans l'eau jusqu'à la taille, luttant contre le courant pour pousser notre van hors de l'eau, afin de sauver sa carcasse et les quelques affaires sèches qui nous resteraient dans le coffre.

Au fond du trou


Dans ce silence angoissant et fataliste, personne n'ose prendre la parole. Notre moral est au plus bas. Faudra-t-il attendre le passage hypothétique d'un autre van pour nous tirer de là ?

Les secondes paraissent infiniment longues. Aluk soulève alors le capot intérieur, bidouille un truc dans le moteur et on saute sur les berges, euphoriques. Un immense gradient d'émotion nous envahit, comme si on avait parié notre vie sur la qualification de Monaco aux dépens du Real Madrid en quarts de finale retour de la ligue des champions 2004.

Tout juste sorti du trou


Par chance, l'eau est montée jusqu'à la limite du plancher du coffre. On aperçoit la ligne humide comme si nos sacs et couvertures avaient espéré bien fort qu'elle s'arrête juste devant.

Il est 20h, il fait presque nuit, et nos émotions nous ont épuisé. Mais on est encore à 50 km de la cascade (distance comme ça, il n'y a pas vraiment de distance ni de durée qui aient un sens réel). On décide donc de camper ici, d'aller à la cascade le lendemain et d'y passer la journée, puis de revenir à Oulan-Bator le surlendemain. Parfait.

Mais 5 minutes plus tard, Aluk fait changer le plan. La boîte de vitesse étant en mauvaise état (comprendre : étant plus mourante que le reste), il faut revenir à UB demain soir, donc aller à la cascade ce soir, en conduisant de nuit.

On y croit pas trop, car on tourne en rond dans le noir sur des routes qui n'ont rien d'une route. Mais en s'arrêtant vers des gens pour demander, on finit par y arriver.

Pause Help


Aluk stoppe le van à coté d'un grand campement de gens. On ne sait pas où est la fameuse cascade, on la verra de jour. Ces gens sont en fait tous Mongols, ce sont les membres d'une compagnie de construction d'UB venus à Orhon pour le week-end. Il n'y a qu'une personne, Sarnai, une architecte, qui parle aussi l'anglais. Elle nous invite à joindre le dîner quand il sera prêt.

Pendant ce temps, on va monter nos tentes et préparer nos éternelles pâtes mongoles. Aluk nous dit qu'on peut entendre les chutes de la cascade, mais je ne trouve rien de particulier dans le silence habituel. Vers minuit, on retourne voir les Mongols (ils sont à 100 mètres) (rappel : la densité de population de la Mongolie est de 1,7 habitant au km²) et ils ne sont pas encore prêts. Ils sont en retard car 2 de leur 4 microbus (nom pour un van japonais, je crois) sont restés bloqués dans la rivière. Et ils ont dû descendre dans l'eau les pousser. Le point positif dans leur malheur, c'est qu'ils sont venus à 55 (!) dans ces 4 véhicules guère plus grands que le notre, donc ils avaient des bras pour pousser …

Ils ont 2 moutons qu'ils cuisent dans 2 grands pots en fer, de la hauteur d'une amphore romaine, sur 2 feux de bois. Avec le mouton, il y a aussi des légumes et des grosses pierres. Quand la pression fait exploser le couvercle, ils sortent les pierres graisseuses et les font passer de mains en mains pour se réchauffer. Ca s'appelle le Xopxoг khorkhog.

Sarnai, qui a étudié en Allemagne et travaillé au Japon, parle anglais, russe, allemand, japonais, et me chante en français le générique d'Hélène et les Garçons qui passait sur une chaîne russe … pendant que je recevais un bout de mouton et quelques patates, en regardant les Mongols encercler le grand feu central, et faire tour à tour des bonds par dessus les flammes. L'absence de photo/vidéo certifie le pic de démesure de l'instant.
Et je suis complètement lâché lorsqu'elle me demande de l'aider à retrouver les paroles de K-Maro.

On cause jusqu'au milieu de la nuit, quand les Mongols disparaissent peu à peu, sûrement suite à la vodka. Elle me confie que selon la coutume, si je vois la grande ourse pendant 7 jours consécutifs (facile à faire dans le désert d'un pays où il ne pleut pas), le bonheur viendra à moi.

Sur cette bonne nouvelle, je regagne ma tente pour une courte nuit.


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