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mardi 4 mars 2008

Thaïlande (2) - De la ville à la campagne

[03 mars] : Bangkok - croisement (〜70 km)


Les hautes températures ont déjà fait sécher mon linge de la veille. Dans la matinée, je vais faire des emplettes indispensables : des gants de cyclistes à Carrefour, puis un livre de cartes détaillées à la librairie du Robinson's. Il s'appelle thinknet Thailand Deluxe Atlas, bilingue English & Thai, au 1:550000. Il est assez lourd et fait pile la taille de mon sac. Je me prends aussi des cartes plus détaillées pour des régions spécifiques que je pense traverser, et un petit guide français-thaï.

Après un dernier déjeuner avec Ommie, c'est le grand départ !

13h30 : Mamachari Raleigh est ficelé pour partir


J'avais lu sur internet que c'est un suicide de faire du vélo dans Bangkok. Je dois trouver le meilleur compromis pour sortir le plus vite de la ville mais sans tomber dans une banlieue qui serait une autre grande ville. Mon itinéraire passe par le nord puis bifurque à l'ouest après Nonthaburi, mais avant Pathum Thani.

Depuis Huay Kwang, je longe la Don Muang Tollway, sur la Rangsit, pour rejoindre la rue Thanon Prachachun, 10 km de ligne droite vers le nord. Puis 7 kilomètres vers l'ouest sur la Thanon Chaeng Watthana, jusqu'à Pak Kret, pour environ 2 heures d'émotions.

En Thaïlande, on route aussi à gauche. Dans les petites rues, il n'y a pas de règles et il faut être super vigilant, les mobylettes sortent de nulle part. Une fois sur la Rangsit, une 2 x 6 voies avec la tollway qui passe dessus, le trafic prend une allure plus logique. Tout va bien, sauf quand je dois tourner à droite, ou aller tout droit sans prendre la sortie. Car là, je n'ai aucun poids avec mon vélo et je dois rester sur ma gauche, ou traverser à la McGyver. Pour les détours dans les carrefours, je m'applique un algorithme qui minimise la largeur de la plus grosse route traversée, mais qui a pour défaut de résulter dans un grand nombre de traversées et donc d'attente de moments propices.

Pour moi, ça sera à droite grâce à un bondissement évanescent


Premier arrêt eau dans un 7/11. L'eau du robinet n'est pas potable.


Comme les véhicules à 3 roues, 2 roues, voire non-motorisés, voire hand-made sont plutôt nombreux, la voie la plus à gauche leur est parfois réservée.

Premier doublement imminent ...


Un sport national : maximiser le rapport (Nb de passagers / surface utile du scooter)
Le roi a même des arches pour mettre sa photo



En me perdant un petit peu, j'arrive enfin à Pak Kret, la fin de Bangkok au nord, le long de la rivière qui arrose la ville. Je prends enfin une plus petite route.

Pak Kret



Je retombe rapidement sur un grand axe, et comme l'anglais se fait de plus en plus rare, le but principal est de synchroniser mon emplacement réel avec ma position connue sur la carte.

Les gens sont souriants partout, les enfants font des coucous. Même si je suis maintenant bien éloigné de Bangkok, je suis encore dans une atmosphère étouffante qui sent le bitume et les gaz. Par deux fois on vient proposer de m'aider, lorsque je tente de trouver un maximum de vraisemblance entre les noms thaï de ma carte et les panneaux de signalisation.

Tourner ou pas tourner ?


La nuit commence à tomber et je décide d'aller jusqu'à Bang Len, un village à une dizaine de kilomètres du croisement où je suis. Mais quelques mètres plus loin, "crevaison à l'arrière du peloton", pour mon premier jour. Pas de bol, et le temps de réparer, il fait nuit. Je remarque que j'ai aussi déjà perdu un boulon de la selle, et que celui du frein avant allait bientôt se faire la belle. Mon mamachari est quand même bien pourri, avec un guidon cambré vers l'intérieur et les genoux qui tapent les pouces.

Je reviens donc sur mes pas, au croisement illuminé, voir ce que je peux bien faire de ma soirée. Il y a des tables et des marchants ambulants, et quelques bâtiments, ou je me commande un riz + poulet pour 25 bahts, que je mange en compagnie de plusieurs moustiques chaleureux, tout en étudiant mon guide pour demander un hôtel. Par chance, il y en a un juste au coin, qui en fait est un love hotel, mais qui convient très bien, pour 450 bahts (9 euros, mais en fait c'est cher). J'achève ma première journée de route en m'endormant vers 11 heures.



[04 mars] : croisement - Lao Kwang (〜120 km)



Je quitte ma chambre vers 8h et il fait frais. Ma route est encore bien fréquentée jusqu'à Bang Len.

Un temple


Mais avant le village, je bifurque sur une petite route, c'est ma première qui ne fait qu'une voie, elle est numérotée avec 4 chiffres (= route très locale). Je m'arrête pour acheter de l'eau (nam) à 5 b. les 900 mL, le tarif universel, mais finis par commander à manger. On arrive à communiquer plus ou moins avec mon vocabulaire de 10 mots centré sur la nourriture.




A la fin du repas épicé pile poil, il me montre une grosse grappe verte et me lance un "kin may ?". Comme je réponds oui, il prend son scooter pour aller de l'autre coté de la petite route, 30 mètres plus loin, faire couper l'espèce de gros fruit. Et oui, je commence à remarquer que les Thaï sont bien paresseux et bougent rarement sans moteur sous leurs fesses. Il revient et me donne 5 croissants jaunes, super bons avec un goût proche de l'ananas. Ca s'appelle khanun, traduit par mon guide français-thaï par jackfruit. En fait, ce guide n'est qu'une traduction mot-à-mot incomplète du guide anglais, et Wikipedia[fr] appelle ça un jacquier.


Ma route à 4 chiffres se détériore peu à peu et j'en rejoins une plus grande. Je me guide avec le soleil, qui doit rester à ma droite le matin et à ma gauche le soir, c'est ma boussole instantanée. J'ai aussi une vraie boussole et un sens de l'orientation qui marche bien (normalement).

Sur ma route ...

Encore un temple


Il y a de plus en plus motos (ou presque-motos) (ou trucs trafiqués) que de voitures, qui sont pour la plupart des pick-ups, en grande partie japonais, et plus particulièrement Isuzu.

Il y a aussi des animaux



Les gars me lancent des hello le long de la route et les filles éclatent de rire si je souris. A part une grande partie des vieux, tout le monde sourit sur les routes, sur les scooters, et à l'arrière des pick-ups.


Je m'aperçois que j'ai perdu le 2ème boulon qui tenait la selle et gagne un degré de liberté que seule la gravité contrôle à peu près.




Je continue sur mes petites routes plates, au bord des champs, avec 2 ou 3 maisons tous les 500 mètres. En bois souvent, avec des gens qui dorment dans des hamacs ou sur des planches de bois. C'est très tranquille. Une fois sur 2, la maison fait office de petit magasin qui vend des boissons ou de la bouffe préparée, c'est très pratique. Je fais une pause pour me prendre quelques mini-bananes, mais c'est le régime entier qui est vendu, pour seulement 10 bahts (20 centimes).

Mode mini-bananes


Encore de la route ...


Mode mini-bananes + cola + paille, qui me laissent les 2 mains sur le guidon


Les boissons sont toujours données avec une paille. Et Pepsi gagne devant Coca-Cola. Mon déjeuner tardif est un kao phat, du riz sauté, le plat le plus courant, pour 20 bahts.


Alors que les Thaï dans les champs portent souvent une cagoule, je remarque un panneau sur le bord indiquant "Buddha's footstep". J'y fais un détour. C'est en fait le temple Kao Di Salak, situé à 2km sur une petite colline au milieu de la plaine. Cette première montée me fait un test du vélo. Verdict : ma seule vitesse ne me permet pas de grimper. La forêt est remplie d'écureuils jusqu'au temple, rempli de Naga.



Temple Kao Di Salak





La vue de cette colline confirme que le plat du centre de la Thaïlande est bel et bien tout plat


Plaine vide



Buddha's footstep


Chiottes 0 étoiles (mais ils gagneront 2 étoiles avant la fin du voyage)


La redescente offre le second verdict : mes freins ne sont pas au top non plus.

Moi


Après plusieurs photos du coucher du soleil, j'arrive au village de Lao Kwang, qui semble parfait pour passer la nuit. Ce fin village s'étend sur environ un demi-kilomètre le long de la route. Une fois au bout, n'ayant pas trouvé de panneaux ostentatoires signalant un hôtel / guesthouse, je sors mon phrasebook pour trouver la phrase magique qui fera pointer du doigt les locaux en direction de l'endroit idéal.




Vers Lao Kwang


Mais rapidement, pendant que je tente de mémoriser les mots, une voiture s'arrête et une mamie m'interpelle. Je finis par lui montrer la phrase sur le guide et son fils me répond en anglais que l'hôtel le plus proche est à 15 km. Faisant déjà presque nuit et ayant déjà relâché mes hormones de satisfaction de journée de vélo terminée, je tire une grimace. Cela fait arriver Zheng, une fille de 24 ans en excellent anglais qui me dit que je peux dormir au temple. C'est parfait ! Puis se rajoute à l'attroupement un scooter transportant 3 autres jeunes filles, les frères de Zheng.

On fait des échanges de places et je me retrouve sur un scooter à 3 vers le temple où me regardent m'installer les mamies, Zheng et les 3 filles bizarres, mais comme elles ne semblent gêner personne je fais aussi comme si. Tout le monde est un peu excité. En fait, je suis un peu déçu car l'emplacement est une grande dalle de béton à coté du temple, avec un toit, probablement le parking. Mais l'avantage, c'est que j'ai l'électricité et le "bain". Après m'avoir chaleureusement invité pour le café du lendemain matin, dans la maison voisine, les mamies se retirent. On part alors avec les 3 frères, Khi, 17 ans, Boom Mee, 18 et Emmee, 20 ans, manger un autre kao phat (riz sauté) puis on revient tous discuter sur ma dalle.

Au resto, de gauche à droite : Emmee, Zheng, Boom Mee et Khi


Boom Mee se débrouillant en anglais, elles m'indiquent le "bain", qui est en fait un vivier d'eau froide et d'araignées dans une cabane. Heureusement, ma lampe frontale n'éclaire pas tous les trucs à ne pas voir. Je reviens changé et rassuré que les 3 filles n'aient pas bougé, et on est rejoint par un gars scotché sur son téléphone portable. Boom Mee me montre des photos d'elle à 14 ans. Il ressemblait à Edson Arantes do Nascimento, a.k.a. Pelé. Puis, sur la fin de ses 14 ans, c'est une fille, à 17 et 18 ans aussi. Elle me montre les photos du gars en fille, c'était très moche, il est trop masculin. Alors que les 3 autres, parfaitement féminines, voix, intonation, démarche, fluctuation alternativement harmonique de l'abscisse du séant, piercings, recoiffement, glabreté, etc., tout y est.
Je suis resté longtemps perplexe car elles parlaient d'elles et de leurs boyfriends en utilisant "she", et surtout parce que les mamies les traitaient comme des filles, se laissaient caresser par elles, vraiment naturellement, alors qu'il y avait quand même quelque chose de louche. Et je ne m'attendais pas à rencontrer au fin fond de la campagne des ladyboys en vacances au domicile familial. La plus grande, Emmee a été Miss quelque chose Pattaya 2006. On fait une séance photo, et Boom Mee me laisse une photo d'elle très féminine, à montrer autour de moi en demandant si elle est beautiful. Et enfin, je suis d'une manière soulagé de les voir me laisser dormir seul à 23h.



J'examine la crème répulsive anti-moustiques achetée la veille, qui se révèle être en fait juste une crème apaisante. C'est vrai qu'avec mes mimes, les vendeuses ne pouvaient pas trop faire la différence. Ma crème solaire se révèle aussi être un simple lait hydratant.

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