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jeudi 6 mars 2008

Thaïlande (3) - Rouge Thaïlande

[05 mars] : Lao Kwang – Lang Sak (140 km)


La dalle au sol ne me dérange pas, mais je suis réveillé par le chant du coq. Un petit coup d'œil à ma montre qui indique 1h30, et je tente de me rendormir. Je suis réveillé toutes les heures par des coqs, des chiens, des hurlements, … jusqu'à 6h30. Le papy de la maison d'à coté vient me chercher pour le café et du pain frit bien gras, délicieux, comme ils vendent dans le Chinatown. Ca s'appellerait Youtiao.

On essaye de causer avec mon thaï mais c'est vite limité. Puis O arrive, et malgré son jeune âge il se débrouille bien à la traduction. Pendent ce temps les mamies s'affairent à me préparer un vrai repas, une grosse dose de riz, omelette, et soupe mi-piquante. Les enfants (disons jusqu'à avoir la longueur des bras suffisante pour conduire un scooter) ont du talc sur les joues pour donner une belle peau. On rigole bien jusqu'à l'heure de prendre une photo et de partir. Je ne reverrai pas les 3 sœurs, dont une devait m'accompagner pendant quelques kilomètres.

O, le papy, Aree et Pech


Il fait chaud mais pas transpirant ni moite, c'est plutôt agréable. D'après les filles, janvier, février et mars sont chauds alors qu'avril et mai sont démentiels.



Bords de route


Suphanburi College of Agriculture and Technology



Les bornes bien visibles sont des aides précieuses


Pause : je découvre ce qu'on ma donné avant de partir, une pâte (genre 餅 mochi) de bananes enroulée dans des feuilles de bambou. Sorte de barre énergétique naturelle.

Banana mochi



Il me reste aussi des mini-bananes, tièdes, que je n'ai pas pu écouler après de mon audience de la veille.


J'ai déjà des beaux coups de soleils sur les bras, genoux et la nuque, qui ne me font pas regretter de ne pas avoir eu un onsen la veille, dans lequel je n'aurais pas pu entrer. Je repense aux onsen car à Hokkaido, j'avais réalisé un presque grand chelem en me trouvant un vrai onsen, souvent d'excellente qualité, et toujours différent, 21 fois sur 23 nuits. Et que la présence d'un onsen le soir après une journée de vélo, ça change tout.

Malabar bi-goût


Pour me protéger la nuque, je me mets mon foulard multifonctionnel ramené de Taiwan et pédale vers Ban Rai, en faisant face à la première toute petite côte du parcours.

Comme quoi, autour de Bangkok, c'est bien super plat


Je me réjouis de voir indiqué "Ban Rai 29 km" sur un panneau, mais pour une courte durée. Au virage suivant, c'est un "Ban Rai 42 km" qui le suit. D'où la règle numéro 1, ne pas se fier aux indications kilométriques.


Le long des routes désertes, des cabanes qui vendent des trucs


C'est un temps super poussiéreux. Le ciel est bleu à la verticale, mais à moins de 45° d'inclinaison avec la surface terrestre, c'est un blanc impénétrable.
Je quitte la 333, peu fréquentée pour une 3 digits road, pour une route qui rallonge un peu mais plus petite. Il n'y a alors vraiment rien.

Route 3008


Rien ...


... A part des belles maisons très dispersées et des gens qui font la sieste



Je bifurque encore pour une route dans les 5000, après m'être assuré de la bonne direction en demandant mon chemin d'un thaï fluent.

Champignons étranges très présents dans la campagne, des réservoirs ?


La route est excellente, avec pas mal de serpents écrasés


Je m'arrête à Ban Rai manger des sen lek, des nouilles de riz piquantes. Je pense continuer vers Lan Sak par la Sai Boe waterfall, tantôt indiquée comme Saiber waterfall (encore un problème de romanisation d'alphabet non-latin). D'où la règle numéro 2, ne pas se fier à l'orthographe des noms de lieux.

En quittant Ban Rai, un Bouddha géant me fait dos, au loin


Mais je suis en fait sur la 3282, qui ne passe pas par la cascade. Tant pis. Cette route de 60 km jusqu'à Lan Sak est bien déserte. Elle est …

… animalière …


… vermillonne …


… arrosée …


… vallonnée …


Comme toujours, les habitants des maisons perdues le long des routes désertes dorment devant l'entrée, peu importe le jour ou l'heure.


En m'arrêtant dans une échoppe pour demander de l'eau (qui aura un goût bizarre), on me file 3 mandarines et 3 chohm-poo, que je tente de faire tenir dans mon filet tout en les mangeant, en pédalant. C'est pas pratique, et ça m'empêche de sortir l'appareil photo pour la sortie de l'école, à 16h. Tous les élèves sont en uniforme blanc et bleu. J'en vois jusqu'à 5 sur un même scooter.




La route est encore longue. De temps en temps, en haut d'une colline il y a 3 cabanes qui vendent des fruits aux cas où une des 10 voitures qui passent chaque heure s'arrêterait …





Aux abords d'un temple


Encore du rouge


Enfin, la flamme rouge !

Lan Sak : 1 km


Mais après 1 km et même plus, toujours rien, juste la Lan Sak police station en bord de route. Vu que les bornes commencent à compter les kilomètres dans l'autre sens, j'hésite entre faire demi-tour, au cas où j'aurais zappé le village (en le traversant), et continuer tout droit vers l'improbable, la luminosité passant en deçà du seuil critique …

Oiseaux dans le soleil couchant


Tombé le rideau


Je continue sans espoir, pas trop surpris que ma carte ait inventé un village à une position imaginaire. Puis apparaît une banque, un ATM … ouf ! Il y a un village !
C'est en fait une rue, coupée par 3 petites rues. J'arrive vite au bout et commence mon questionnage d'hôtel / guesthouse. Réponses négatives, jusqu'à ce que quelqu'un lance un "bungalow ?". Je prends note du lieu et vais visiter. C'est une parfaite petite chambre, pour 150 bahts (3€) la nuit. C'est assez vivant. Sur le carrelage, des mini-fourmis dépècent et transportent à une vitesse hallucinante une sauterelle-perce-oreille que je viens d'écraser.

Les 2 boutons électriques près de la porte allument la même lampe centrale :


Intrigué, je retourne le panneau pour voir la pourquoi du comment, et y'a comme un éclair qui jaillit de la boîte en bois. C'est en fait un lézard !

Après une douche froide Ocean's Twelve (pendant laquelle je dois faire attention à ne pas toucher les fils des toiles d'araignées, ce qui les réveillerait, et qui rassembleraient peut-être à leur tour toute la faune de la chambre pour se venger), je sors dans le village chasser mon dîner. Je m'arrête en fait aux 1ères noodles, où je peux papoter en anglais avec le prof de l'école (à qui j'apprends que l'expression "Bon Voyage" est en français) et un gars visiblement saoul, qui mange du poivre. Il se répète et finit par prouver sa bonne foi (qui n'était pas mise en cause) en ramenant son "livre de français". Il s'agit en fait du catalogue passager Air France de novembre 1998. On prend RDV pour le café le lendemain matin et je rentre dans mon zoo.

C'est quand même plus classe dans Ocean's Twelve


En ouvrant la serrure, je réveille le lézard qui ne s'était pas enfui, mais juste caché dans le cadre de la porte. Il se faufile alors derrière mon lit.

Je dors très bien, …



[06 mars] : Lan Sak – Khlong Lan (〜120 km)


… jusqu'au chant du coq, cette fois bien réglé à 6h.


Je vais retrouver Lek au marché pour un bon café. On est jeudi, le jour ou mister William vient à Lan Sak, et Lek a prévu de nous faire rencontrer. Son magasin est une remorque aménagée en café Bob Marley et décoré avec plein de trucs loufoques.

Café


Lek




Je vais faire un tour du marché, me trouver un ananas à 10 bahts, et je reviens dans le fauteuil de pêcheur derrière le café, petit-déjeuner ce qu'il a commandé pour moi.

Marché


Ptit-dèj


Il est déjà 10h, et Lek insiste pour que j'attende encore mister William qui tarde à venir. Apparemment, il est pote avec tous les étrangers du coin, qui sont plus nombreux qu'il ne paraît pour un tel village. En fait, ils sont soit avec des Thaï ladies, soit en mission au parc national voisin pour jouer avec les tigres et les éléphants.

Bien calé dans mon fauteuil de pêcheur, je regarde les gens passer.

84 secondes de Lan Sak


Je vois passer des engins motorisés de toutes formes, rarement d'origine. Il y a bon paquet de pick-ups flambants neufs.
Vers 11h je me décide à partir sans avoir vu mister William.

Tour (droite ?) d'échauffement



La route est parfaitement rectiligne sur la carte, mais en fait très vallonnée. Ce qui devient vite lassant, car à la fin de chaque montée, je n'ai rien qu'une vue sur la prochaine cuvette, et ainsi de suite.
Les bords de la route sont brulés, je me demande si c'est fait exprès ou si ce sont des feux de forêt.

Y'a plein de trucs qui chantent pour m'accompagner


Je vois d'où vient la question du "Bon Voyage" de la veille …




J'arrive à Wat Lan Chai. C'est une intersection de routes avec 1 temple, 3 petits magasins et quelques maisons. Je teste des luk taw, des petites boules, comme des noyaux de fruits, mais mous et super sucrés, et je me recharge en eau.

Wat Lan Chai et ses routes au nord


luk taw


L'eau potable à 5 bahts les 900 mL, en bouteille plastique souple


Comme indiqué l'extrait de carte ci-dessus, plutôt que de rejoindre la grande route 3504 pour aller vers Pang Sila Thong, je décide de partir dans les routes en noir, plus directes et plus petites, donc surement plus intéressantes.

C'est en fait une piste, de la terre et des graviers tassés.

Je n'avance pas vite et c'est très poussiéreux



Ce foulard multifonctionnel est décidément bien pratique


Je reste confiant …


Après 1 heure de piste, mon vélo a pris 100 ans et un sale bruit de chaîne. Je suis toutefois content de retrouver la route bétonnée.

Sale bruit


Mais que la route soit bétonnée ou pas, y'a quand même une école, des marchands, des maisons tranquilles, dans lesquelles j'aperçois souvent une grande TV, et des belles voitures brillantes.

Comme je n'arrive pas à fixer le bruit énervant, je m'arrête à un bike shop (il y en a très souvent, vu que tout le monde se promène en scooter ou mobylette), où les 2 jeunes dévissent et règlent les trucs, me rajoutent 2 boulons pour tenir la selle, et ne veulent même pas 1 baht quand je leur propose.



Je continue vers le nord, tout semble normal et conforme à ma carte. Mais comme je me retrouve de nouveau nez-à-nez avec une piste pas très chaleureuse, je demande mon chemin à la dame qui se promenait à coté, et qui m'assure qu'il faut faire demi-tour. Ce que je finis par faire un peu déçu.



Je repasse devant les mêmes lieux, pendant des kilomètres (y'a pas tant de croisements que ça), puis me décide finalement à bifurquer vers où je pense être la bonne direction, même si c'est encore une piste mal en point.

Ca sera finalement 2 heures d'enfer où je vois tout rouge, la couleur majoritaire autour de moi. Je passe quelques dalles de béton, échange un sourire, croise une voiture de temps en temps, un village désert, en me demandant quand je verrai la fin.

Paris - Dakar 2nde édition


Enfin, la fin


Enfin, me voilà sur la 3504, mais pas au nord comme je voulais aller, mais encore plus bas que Mae Wong, carrément tout au sud, pas loin d'où j'avais quitté Wat Lan Chai pour ma première piste.

Il est 16h30, sur une route bien goudronnée toute plate, alors je décide de mettre le paquet pour compenser mon sentiment d'avoir perdu des kilomètres. Le nez dans le guidon, je compte les secondes sur ma montre avec les bornes kilométriques, je tiens le 25km/h, qui semble être la vitesse maximale de ma seule vitesse, limité par la vitesse angulaire de mes jambes. Mae Wong, le village censé être sur ma route, n'existe en fait pas. Je continue et tente le village Pang Sila Thong avant la nuit … qui arrive à 18h45.



J'arrive enfin au croisement final, dans le début de la nuit. Mais grande déception, une mauvaise lecture de ma carte révèle que Pang Sila Thong n'est pas au croisement, mais 10 km plus loin. Et que le wat (temple) du croisement, ce n'est qu'une école …

Suffisamment fatigué et assoiffé pour éviter de réfléchir (30 kilomètres sans eau, c'est trop déshydratant), je m'assois à un restaurant (un restaurant dans la campagne, c'est juste une maison avec des tables dehors, au bord de la route, et souvent un toit) et enchaîne les tasses d'eau après avoir commandé. Mais la bouffe n'arrive pas. A sa place, Nicky vient me causer en anglais. Elle m'informe d'emblée qu'un étranger, il y a 1 ou 2 ans, a été poignardé sur la route lors d'une embuscade, pour lui piquer ses sous. Elle ne veut donc pas me laisser camper dans le coin et insiste pour m'emmener à Khlong Lan, dans un resort, à 30 km en voiture. Je finis par accepter, car un "resort" me fait un peu peur pour mon budget (moins de 6 euros pour les 2 journées précédentes complètes), mais finalement c'est dans la bonne direction, au nord. On pousse le vélo dans le coffre de sa berline, attache quelques cordes et c'est parti.

Nicky a 35 ans et travaille dans l'hôpital à coté. Mis-à-part sa berline, elle a une fille de 7 ans, un mari décédé 5 ans auparavant, et un couteau pour se défendre (qui ressemble plus à un sabre) qu'elle me sort de dessous son siège. Mais quand elle était jeune, et vulnérable aux embuscades la nuit sur sa mobylette, elle avait un pistolet. Maintenant, les routes sont plus sûres, mais pas tout à fait à cause des jeunes qui veulent pas travailler. On s'arrête à un 7/11 en route acheter mon dîner, et c'est super cher ! 30 bahts pour du riz + 30 bahts de gâteaux, c'est 3 fois le prix d'un repas normal (et pas en boîte), que l'on trouve sur les stands juste en face. Mais elle me dit qu'à Bangkok, le stand vendrait son plat simple plus autour de 40 bahts, ce qui rationalise la présence des chaînes de convenience store sur le territoire.

Si la vie des Thaï en Thaïlande me semble plutôt aisée à la vue des grosses voitures et TV dans une campagne qui amène à se questionner sur la présence de l'électricité, la faiblesse du baht les empêche totalement de voyager à l'étranger. Mais Nicky est déjà allé à Singapour pour un mariage, avec ses autorités apparemment très demandantes en preuves pour laisser entrer une Thaï lady.

On arrive au resort de Khlong Lan et je m'attends à un grand hôtel avec spas et tout le tralala, genre Toya-ko ou Okinawa. Mais c'est en fait juste un parc de bungalows, pour 350 bahts (7€) la nuit. Le nom "resort" vient peut-être pour annoncer l'eau chaude et l'air conditionné, qui sont en effet 3 étoiles. Mon riz du combini est cette fois épicé standard et pas à la tête du client, et en effet ça pique (mais pas autant qu'une soupe de kimchi au ptit-dèj), surtout dans les joues, à cause de mes lèvres gercées de 90 minutes sans eau.

Khlong Lan resort


Les prises en Thaïlande sont parfaites. C'est du 220V, et elles supportent généralement 2 modèles, le A (comme le Japon, fiches plates) et le C (comme la France, fiches rondes) en étant l'union géométrique d'un cercle avec un segment. Je peux donc y brancher mon rasoir électrique et mon chargeur de Canon en même temps.

Je fais un petit tour dehors mais ne trouve pas le marché, juste des chiens agressifs, et m'endors très bien.


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